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Ligue 1 : même s’il est sacré champion de France, le LOSC devra subir une cure d’austérité
Après son nul face à Saint-Etienne, le club de Lille n’est plus qu’à un match du titre. Mais le modèle économique du club, fondé sur la vente de joueurs, est à bout de souffle. D’autant que la défaillance de Mediapro n’a rien arrangé.
Par Christophe Kuchly, Le Monde (Lille, correspondance)
Publié le 17 mai 2021 à 11h18 - Mis à jour le 17 mai 2021 à 11h40
Temps deLecture 5 min.
« Le club aurait probablement été en état de cessation de paiements début janvier, ce qui veut dire qu’il y avait un problème quant à la continuité de l’activité et pour les équipes. » Cette phrase, l’une des premières prononcées par le nouveau président, Olivier Létang, en conférence de presse, le 21 décembre 2020, avait immédiatement répondu aux interrogations sur le timing du changement de propriétaire à la tête du LOSC.
Cinq mois plus tard, alors que Lille est à quatre-vingt-dix minutes de décrocher le titre de champion de France après son match nul contre Saint-Etienne, dimanche 16 mai (0-0), l’affirmation n’a pas perdu de son poids. Elle rappelle que, si la réussite sportive de la saison a peut-être empêché le navire de couler, le problème financier demeure. Malgré les millions qui accompagneront la qualification pour la prochaine Ligue des champions, le club ne peut pas garder le même train de vie.
Qu’il ait pu le maintenir jusqu’ici est déjà un petit miracle, étroitement lié aux résultats des premiers mois. Lorsque Gérard Lopez est forcé quitter la présidence, le 18 décembre 2020, Lille est en tête de la Ligue 1 devant le PSG et vient de passer la phase de poules de Ligue Europa. L’effectif est jeune – moins de 25 ans de moyenne d’âge –, et ses meilleurs éléments sont suivis par une bonne partie de l’Europe.
Parmi les dix-sept joueurs qui appartiennent au LOSC mais sont prêtés, certains commencent également à s’affirmer. « Le côté positif, c’est qu’on a des joueurs de qualité, des actifs », estime Létang, jonglant, dans les sujets comme dans le vocabulaire, entre sportif et économique.
Un geste fort
Nouveau propriétaire, Merlyn Partners injecte 50 millions d’euros en urgence et ne vend aucun joueur au mercato de janvier. Un geste fort, lié autant à la situation sanitaire qu’au classement de l’équipe. Venu à la rescousse dans une période compliquée financièrement, le fonds d’investissement n’a aucune chance de rentabiliser le rachat en se séparant immédiatement de ses meilleurs éléments.
Surtout pas dans le contexte d’économies collectives d’un sport qui perd beaucoup d’argent à jouer dans des stades vides (aucun transfert n’a atteint 25 millions d’euros en janvier). Il lui faut donc voir à moyen terme, ne rien changer, en espérant que les résultats se maintiennent puis, une fois la saison terminée, normaliser la gestion du club après quatre ans sur la brèche.
Maintenu par miracle lors de la première saison sous la présidence de Gérard Lopez, Lille n’a pas quitté le top 4 lors des trois suivantes. Mais le voyage n’a pas été de tout repos. Jamais pleinement convaincue par le modèle économique, la DNCG, le gendarme financier du football français, a sorti plusieurs cartons jaunes : budget retoqué à l’été 2017, interdiction de recrutement en janvier 2018 puis relégation à titre conservatoire finalement levée ; encadrement des transferts et des salaires à l’été 2018 ; amende de 50 000 euros pour informations erronées en mai 2019.
Des péripéties auxquelles il faut notamment ajouter une validation tardive des comptes en juillet 2020 ainsi qu’une procédure en cours avec Marcelo Bielsa devant les prud’hommes de Lille. L’ancien entraîneur des Dogues, licencié pour faute grave il y a près de quatre ans, a dénoncé un harcèlement visant à le pousser à la démission et réclame 19 millions d’euros. Le jugement est attendu pour le 2 juillet.
Pépites à bas coût
Le modèle économique de Lille, fondé sur un trading assumé, semblait pourtant fonctionner : chaque saison, le club nordiste vendait très cher deux ou trois de ses meilleurs joueurs, qu’il remplaçait par des pépites dénichées à bas coût par Luis Campos. La qualité de l’effectif n’en sortait pas affaiblie mais les balances de transferts, nettement positives – Nicolas Pépé et Victor Osimhen sont par exemple devenus les deux joueurs africains les plus chers de l’histoire –, n’ont pas empêché les soucis financiers.
Laurent Blanc est, lui, en pole position pour entraîner l’équipe si Christophe Galtier s’en va, ce dont plus grand monde ne doute en interne
Le huis clos et le retrait de Mediapro n’ont pas aidé, « mais il y avait une problématique plus profonde », assure Létang, discret depuis sa première prise de parole. Conseiller du président Lopez – donc directeur sportif officieux – sous le rare statut de prestataire de services, Campos a bâti l’intégralité de l’effectif qui file vers le titre. La nouvelle direction a pourtant signifié la fin immédiate de la collaboration, a pris ses distances avec les clubs de Mouscron (Belgique) et Boavista (Portugal), avec lesquels des accords de partenariat avaient été noués, et construit progressivement une cellule de recrutement plus traditionnelle.
Un changement d’ère qui a emporté l’attaché de presse Florian Fieschi, jugé trop proche du Portugais, et se retrouve dans toutes les strates. Historique du club, Jean-Michel Vandamme est revenu piloter la formation – Lille était 24e du dernier classement des centres agréés établi par la Fédération française de football. Côtoyés à Rennes, Sylvain Armand (coordinateur sportif) et Didier Roudet (directeur général adjoint) ont pris leurs fonctions ces dernières semaines. Adrien Tarascon (analyste joueur et data), connu du PSG, est également arrivé. Laurent Blanc est, lui, en pole position pour entraîner l’équipe si Christophe Galtier s’en va, ce dont plus grand monde ne doute en interne.
Des économies à faire
Les CV des nouveaux venus sont prestigieux, ceux ciblés pour étoffer le staff ne feraient pas tache non plus. Une question demeure : quel sera l’effectif du club la saison prochaine ? Le nouveau propriétaire, le fonds Merlyn Partners, a déjà mis la main à la poche et n’a pas vocation à investir à perte. Or, en dehors de quelques clubs de Premier League – première division anglaise – qui capitalisent sur leur image de marque et des droits TV colossaux, quasi personne ne gagne d’argent sur la durée.
Encore moins quand, comme le LOSC, on paie un stade qui ne serait rentable qu’à guichets fermés à chaque match. Actionnaire minoritaire et candidat à une reprise au milieu des années 2010, le Belge Marc Coucke avait préféré investir dans son pays faute de trouver un business model crédible avec un tel poids à supporter. Le fonds King Street, propriétaire de Bordeaux, a préféré un brutal désengagement mettant l’avenir du club en péril à la perspective de continuer à dépenser.
Avec 55 joueurs sous contrat – soit une bonne vingtaine de trop –, il y a des économies à faire avant même de toucher aux stars de l’équipe. En cas d’offre satisfaisante, Mike Maignan, Zeki Celik, Renato Sanches, Boubakary Soumaré, Jonathan Ikoné, Jonathan Bamba et Luiz Araujo ne devraient pas être bloqués. Mais, pour eux comme pour d’autres, notamment le latéral Domagoj Bradaric, devenu international croate mais transparent depuis plusieurs mois, rien ne garantit que des clubs intéressés se manifesteront.
En fin de contrat, le capitaine, José Fonte, est un cadre de l’effectif mais renouveler un joueur de 37 ans ne se fait pas à la légère. Alors que la saison arrive à son dénouement, dimanche 23 mai, flotte un sentiment de fin de parcours universitaire : les derniers moments partagés et la perspective d’une grande fête avant que chacun suive sa route de son côté.
Christophe Kuchly(Lille, correspondance)
"En tout cas, on te l'souhaite."