https://www.leparisien.fr/faits-divers/ ... 6QPSWE.php"Le groupe vit bien, mais pas trop quand même". Cette histoire est sidérante.
«Je leur souhaite tous du mal» : Diallo-Hamraoui, nos révélations sur une agression commanditée
EXCLUSIF. Mise en examen et écrouée vendredi, l’ex-joueuse du PSG Aminata Diallo est soupçonnée d’avoir ordonné un guet-apens contre sa coéquipière Kheira Hamraoui. Un rapport d’enquête que nous révélons retrace l’origine d’une rivalité sportive qui aurait dérivé en une détestation profonde.
Par Jérémie Pham-Lê et Ronan Folgoas
Le 19 septembre 2022 à 21h53, modifié le 20 septembre 2022 à 14h06« Une lente dérive psychologique devenue pour ainsi dire pathologique ». C’est en ces termes que les policiers de la brigade de répression du banditisme de la police judiciaire de Versailles décrivent la haine féroce qui aurait habité la joueuse du PSG Aminata Diallo à l’égard de sa coéquipière Kheira Hamraoui. Une haine sur fond de rivalité sportive et d’ambition contrariée qui expliquerait, selon eux, pourquoi la première aurait commandité l’agression à coups de barre de fer de la seconde le 4 novembre 2021 à Chatou (Yvelines), au retour d’un dîner « de cohésion » dans un restaurant du bois de Boulogne. « Il a ainsi été prouvé de manière irréfutable qu’Aminata Diallo nourrissait une véritable haine à l’encontre de sa partenaire de club qu’elle considérait comme un obstacle à sa propre carrière sportive », estiment les enquêteurs de la BRB dans un rapport d’enquête de trente-sept pages que nous avons pu consulter.
Dès le mois d’août, soit trois mois avant l’attaque contre Kheira Hamraoui, les premières traces d’une « profonde jalousie » mêlée à un sentiment d’injustice affleurent au fil des messages WhatsApp exhumés dans la mémoire des deux téléphones d’Aminata Diallo. De retour d’un prêt décevant à l’Atlético de Madrid (seulement deux matchs disputés), cette Grenobloise de 26 ans tente de gagner sa place dans le onze de départ du PSG. Mais rien n’est simple. Les choix de l’entraîneur de la section féminine, Didier Ollé-Nicolle, ne lui sont guère favorables et contrarient son double désir : obtenir une prolongation de son contrat avec le PSG qui expire en fin de saison… et être sélectionnée en équipe de France. Dans son viseur, Kheira Hamraoui qui bénéficierait à ses yeux d’un régime de faveur. « Elle ne s’est pas entraînée depuis le match de la Roma avec nous, elle revient titulaire contre le Bayern pendant que toi le temps qu’elle n’était pas là t’as fait ce qu’il fallait ! », se plaint-elle par écrit à ses proches.
« Jaja », le mystérieux confident
Elle évoque même l’idée d’un projet violent que l’un de ses proches, surnommé « Jaja », serait capable d’exécuter à l’encontre de Kheira Hamraoui. « Si j’étais mauvaise, jalouse et calculatrice comme elle… Je lui dis détruis-la, il la détruit. » Sous le coup de l’énervement, elle peut aussi utiliser des termes troublants : « J’aurais dû faire en sorte que ça lui découpe les jambes », dit-elle à propos d’un contentieux qui l’a opposée à un ex-entraîneur du PSG.
Cette folle idée devient-elle une hypothèse sérieuse à l’issue d’un rassemblement de l’équipe de France féminine en octobre comme le pensent les enquêteurs ? Non sélectionnée dans un premier temps, Aminata Diallo a remplacé au pied levé Kheira Hamraoui, blessée. Cette opportunité inespérée semble donner des ailes à Diallo qui rêve désormais d’un nouveau contrat avec le PSG avec un salaire mensuel revu à la hausse, « 25 000 ou 30 000 € bruts, pas moins ! » écrit-elle, toujours à son confident. « Je vais devenir sans scrupule maintenant ! J’ai besoin de personne mais me niquer mon travail gratuitement j’accepte pas… Je leur souhaite tous du mal, je n’ai besoin que de mes proches ». Cette détermination radicale de la jeune Grenobloise, exacerbée par le désir d’aider financièrement sa famille, serait-elle le mobile de l’agression de sa coéquipière à coups de barre de fer ? Après plusieurs mois d’investigations, c’est en tout cas la conviction de la PJ de Versailles.
En réalité, les soupçons autour d’Aminata Diallo remontent aux premiers jours de l’enquête. Entendue le lendemain de son agression, Kheira Hamraoui révèle aux policiers que plusieurs de ses coéquipières ont reçu des appels téléphoniques malveillants émis par un homme qui la présente comme « une femme à problèmes », manipulatrice et volage. L’identité de ce mystérieux correspondant est facilement retrouvée : il s’agit d’un détenu de la prison de Lyon-Corbas qui se trouve être aussi une connaissance d’Aminata Diallo.
Troublée par cette première découverte, Kheira Hamraoui s’épanche auprès des policiers de la BRB. Elle se souvient du trajet retour, ce 4 novembre vers 22 heures, entre le bois de Boulogne, où l’équipe féminine du PSG vient d’être réunie, et la rue des Cormiers, à Chatou (Yvelines), lieu de l’agression, non loin de son domicile. Aminata Diallo, habitante de Marly-le-Roi, est au volant, le téléphone à la main. À l’arrière, Sakina Karchaoui, une autre coéquipière du PSG.
L’étonnant itinéraire de Diallo
« Depuis le début de cette histoire, j’ai des doutes sur le rôle joué par Aminata Diallo, confie la milieu de terrain. Je n’ai pas compris pourquoi elle ne m’avait pas déposée en premier lors de notre retour du restaurant alors que nous étions à quelques centaines de mètres de mon domicile. Je me souviens très bien que c’est Aminata qui avait insisté pour déposer Sakina avant moi. Ce qui me paraît aussi après coup très bizarre, c’est que lors de l’agression, Aminata roulait très doucement, à 5 ou 10 km/h quand les agresseurs ont surgi devant le capot. On aurait vraiment dit qu’elle savait comment cela allait se passer. »
Lors des jours suivants, Hamraoui décèle des variations dans les explications données par Aminata Diallo et une attitude plutôt étrange. « Elle ne comprenait pas pourquoi cette affaire devait finir devant la police, elle trouvait que cela allait trop loin », souffle la victime qui souffre de multiples contusions aux jambes.
Les policiers aussi se posent des questions sur Aminata Diallo. Placée une première fois en garde à vue le 10 novembre 2021, la jeune femme balaie les premiers éléments d’enquête d’un revers de la main. Elle finit par reconnaître que le détenu lyonnais, surnommé « Jaja », est bien l’une de ses connaissances mais prétend qu’il n’est pas le « corbeau » recherché. Son téléphone aurait été utilisé par un ex-amoureux d’Hamraoui, détenu dans la même prison de Lyon-Corbas. Une version également brandie par « Jaja », lui aussi interpellé.
Confondue par ses relevés téléphoniques, Aminata Diallo reconnaît qu’elle n’a pas été elle-même destinataire des appels du mystérieux calomniateur, contrairement à ses premières déclarations. La joueuse du PSG réussit par ailleurs à conduire les enquêteurs sur la piste d’un contentieux privé qui aurait dégénéré. Elle divulgue ainsi l’existence d’une relation intime entre Kheira Hamraoui et Éric Abidal et émet l’hypothèse d’une vengeance organisée par l’épouse de l’ex-défenseur des Bleus et du FC Barcelone. Aminata Diallo ressort libre de sa garde à vue, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elle à ce stade, de même que « Jaja ». Les policiers vont alors explorer la vie tumultueuse de la victime et la thèse d’une vengeance amoureuse parmi ses relations avec des hommes mariés. En vain.
Des recherches étranges sur Internet
En parallèle, les enquêteurs ne lâchent pas la piste Diallo, bien au contraire : ils sonorisent son appartement personnel et même son véhicule. Au fil des mois, ces écoutes révèlent qu’elle entretient une relation fusionnelle avec l’une de ses connaissances, agent de joueuses officieux. Le duo, se croyant hors de portée d’oreilles indiscrètes, déverse sa haine envers Kheira Hamraoui qu’il chercherait à évincer du club parisien. L’un comme l’autre tiennent aussi des propos outranciers à l’égard de plusieurs dirigeants. En se servant de relais puissants dans la sphère médiatique et sportive, Diallo et son interlocuteur tenteraient même de provoquer des changements dans l’organigramme de la section féminine. Pour la milieu de terrain, l’objectif est toujours le même : obtenir une offre de prolongation de contrat de la part du PSG. Une dimension financière qui a conduit la justice à élargir l’enquête à des faits de « tentative d’escroquerie en bande organisée ». Des recherches Google d’Aminata Diallo interrogent aussi : « casser une rotule » et « cocktail de médicaments dangereux ».
Dans le courant de l’été, les enquêteurs identifient les auteurs présumés de l’agression en se livrant à des déductions audacieuses. Étant donné qu’aucune balise GPS sauvage n’a été découverte sur la Toyota de Diallo, et que les caméras de surveillance ont montré que le véhicule n’était pas suivi, ils en concluent que le commando a forcément bénéficié d’un « tuyau humain » pour surgir au bon moment et au bon endroit. Aminata Diallo était justement en train de pianoter sur son smartphone en roulant.
Or, l’analyse de son téléphone ne révèle aucun appel téléphonique ce soir-là. Les policiers font alors une curieuse découverte : l’application Snapchat a été supprimée deux jours après le guet-apens aussi bien de son appareil principal que d’un téléphone secondaire saisi dans une commode en perquisition. Ceci est d’autant plus troublant que sur une écoute, Aminata Diallo semble s’inquiéter des possibilités de localisation offertes par le réseau social : « Hier j’ai regardé sur Snap, tout le monde peut voir ta position, eux ils peuvent savoir ou t’étais là (…) C’est abusé (…) Je m’en fous parce que je n’ai rien à cacher. »
Après réquisition judiciaire auprès de Snapchat, les policiers isolent les numéros ayant activé ce réseau social à proximité de la rue des Cormiers dans le créneau horaire des faits. Ils découvrent que, ce soir-là, trois lignes quittent le Val-de-Marne à la même heure, se déplacent à Chatou, puis font le trajet inverse à l’heure où l’agression se termine. Les utilisateurs de ces numéros sont identifiés comme Hamad I., Jonathan M. et Even C., trois jeunes d’une vingtaine d’années originaires de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) et connus des services de police. Par chance, le second s’était fait saisir son iPhone dans le cadre d’une autre enquête sur un trafic de stupéfiants. Après avoir récupéré son téléphone dans les scellés, les enquêteurs découvrent qu’il avait rentré l’adresse « 56 rue des Cormiers, Chatou » dans l’application de guidage Waze le 4 novembre 2021, pile à l’heure où Diallo, Hamraoui et Karchaoui quittaient le restaurant du Bois de Boulogne…
« Comment ça elle peut encore marcher ? »
Le 14 septembre dernier, Hamad I., Jonathan M. et Even C. sont placés en garde à vue. Ils passent rapidement aux aveux, adoptant une attitude « résignée » face à une affaire qui semble les dépasser. Selon les déclarations de l’un d’eux, tous trois ont été embarqués par un ami du quartier, appelé « le petit », ainsi qu’un cinquième homme non identifié à ce jour, pour réaliser « un travail » contre de l’argent. Durant la mission, le duo était en liaison téléphonique avec un intermédiaire inconnu, et c’est comme ça qu’ils auraient compris la véritable nature de l’opération, à savoir empêcher Kheira Hamraoui de jouer un match important cinq jours plus tard - PSG-Real Madrid en Ligue des champions -, ainsi que la véritable commanditaire : Aminata Diallo, laquelle sera d’ailleurs titularisée.
« Nous avons attendu, puis le petit a reçu un appel de l’ami de la joueuse qui disait qu’elles étaient en train de descendre de la voiture et qu’il fallait y aller, a confié l’un des suspects en garde à vue. Le petit et son pote ont alors mis une cagoule puis c’est le petit qui a pris une barre de fer et ils sont sortis en direction des joueuses (…) Cela a duré deux trois minutes puis ils sont revenus en courant. À ce moment, l’ami de la joueuse a rappelé le petit de Villeneuve en lui disant que ce qu’ils avaient fait ce n’était pas assez et qu’il fallait qu’ils y retournent pour bien lui casser le genou ». Un autre suspect dit avoir entendu ce même « petit » rétorquer : « Comment ça c’est pas bien fait ? Comment ça elle peut encore marcher ? J’ai donné un bon coup vers le genou. Normalement elle pourra pas jouer le match de demain comme prévu ! »
Diallo continue de nier
Le lendemain, « le petit », identifié comme Manzi N., 18 ans, est à son tour interpellé. Il avoue avoir reçu pour mission de s’en prendre à Hamraoui pour l’handicaper sportivement contre 500 euros. Mais, d’après les enquêteurs, Manzi N. a été un peu trop « chargé » par ses complices. Il apparaît que le véritable auteur des coups de barre de fer est en fait le cinquième homme, que personne ne veut dénoncer par peur des représailles. Un suspect qui pourrait être lié au grand banditisme… Quant à l’intermédiaire, lui aussi non identifié, il pourrait être « un proche d’Aminata Diallo ».
Le 16 septembre, Aminata Diallo est placée en garde à vue. Devant les enquêteurs, elle nie à nouveau toute implication dans l’agression de sa coéquipière, défendant l’idée que les jeunes agresseurs présumés se sont accordés sur une version pour la compromettre en raison « de la campagne médiatique de dénigrement » dont elle est l’objet depuis un an. Les policiers n’ont découvert pour l’heure aucun élément matériel la reliant aux jeunes de Villeneuve-Saint-Georges. Mise en examen, elle a été écrouée dans l’attente de son débat devant le juge des libertés et de la détention ce mercredi. Sollicité, son avocat, Me Mourad Battikh, n’a pas souhaité s’exprimer à ce stade.
"Yusuf est de retour. Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la Création."