Tremblez, son avènement est proche. Après Closer et Gala, c'est le point qui le dit.
Le Point.fr : Vous avez annoncé avoir réuni tous les parrainages nécessaires pour participer à la primaire de la droite. Cette course aux signatures a-t-elle été difficile ?
Jean-François Copé : Ce qui a été compliqué, c'est que j'ai subi des pressions, des intimidations, de certains des membres de la « bande des quatre » (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Bruno Le Maire, François Fillon), qui ont tout fait pour que je ne puisse pas concourir. Mais, ne leur en déplaise, je serai le cinquième élément de cette primaire.
Des pressions de quel ordre ?
Des menaces très directes, exercées notamment par l'ancien président du parti Nicolas Sarkozy, sur les investitures, sur les nominations… Tout cela n'a pas été très convenable, mais c'est ainsi, je serai à côté de cette bande des quatre. Personne ne doit douter de ma détermination puisque mon projet, c'est de défendre l'idée d'une vraie rupture, après trente ans de reculade des présidences successives qui ont mené la France dans une vulnérabilité terrible.
À vous entendre, il y aurait une sorte d'entre-soi installée entre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire qui viserait à vous exclure…
Absolument. Parce que je défends une ligne différente de la leur autour de la rupture. Contrairement à eux quatre, je n'ai pas gouverné la France entre 2007 et 2012, je suis le seul à ne pas avoir été membre de l'exécutif. Je ne suis prisonnier d'aucun bilan à défendre. Tous ces gens étaient au gouvernement à des postes éminents, ils y sont restés jusqu'au bout et ont finalement lâché Nicolas Sarkozy dans la dernière ligne droite de la campagne de 2012 en voyant que c'était perdu. En réalité, ils font comme s'ils n'avaient rien à voir avec la situation actuelle, c'est le bal des hypocrites ! Je trouve que ce n'est pas d'une très grande élégance, ni surtout d'une très grande cohérence quand ils expliquent vouloir faire différemment que ce qu'ils ont fait avant.
Pour casser ce « club des quatre », êtes-vous prêt, comme François Fillon ou Alain Juppé, à aider Nathalie Kosciusko-Morizet ou Nadine Morano à réunir leurs parrainages pour la primaire ?
Je serais très heureux, naturellement, qu'elles puissent concourir, bien sûr. Simplement, les conditions de collecte imposées par Nicolas Sarkozy étaient tellement strictes et verrouillées qu'il est étonnant de l'entendre dire, comme les autres, qu'il veut aider telle ou telle. Il a, par exemple, refusé que l'on puisse accéder aux fichiers du parti, alors que lui-même en a abondamment usé. C'est lamentable. Et puis cette idée d'avoir « un marché secondaire » du parrainage, je trouve également que c'est très hypocrite et que ce n'est pas très glorieux vis-à-vis des électeurs.
Que pensez-vous du climat actuel de cette campagne, qui se lancera officiellement dans quelques jours ?
Je le trouve lamentable, et c'est pour cela que je m'impose d'être exclusivement sur les débats d'idées. Je veux marquer mes divergences de fond. Je n'ai pas trouvé très élégant de la part de François Fillon d'attaquer Nicolas Sarkozy sur ses mises en examen et ses problèmes judiciaires, aussi graves soient-ils. Il en va de même pour les propos en off, mais prononcés suffisamment fort pour que les journalistes les reprennent, de Nicolas Sarkozy ou de Bruno Le Maire à mon endroit. Tout ça n'est pas très glorieux et ça ne les grandit pas.
Vous vous faites le chantre de la « droite décomplexée ». En quoi la vôtre l'est-elle davantage que celle de Nicolas Sarkozy, par exemple ?
Avant tout, « la droite décomplexée », c'est un concept que j'ai inventé. Et, tout simplement, entre Nicolas Sarkozy et moi, c'est la différence entre « être » et « avoir été ». En 2007, il avait promis aux Français une rupture avec le système afin de mettre en oeuvre les réformes que les dirigeants français successifs avaient sans cesse retardées. En réalité, il n'y a eu aucune rupture. Pourquoi ? Tout simplement parce que la main de Nicolas Sarkozy a tremblé, comme celle des trois autres qui gouvernaient à ses côtés. Il a reculé systématiquement devant la gauche bien-pensante et la CGT : il a renoncé à réformer les régimes spéciaux et il n'a pas supprimé les 35 heures. Il a également réduit les effectifs de gendarmerie et de police de 13 000, il a réduit le budget de la Défense de 38 milliards d'euros à 32 milliards d'euros et il a augmenté massivement les impôts à la fin de son quinquennat de près de 20 milliards d'euros… Donc la droite décomplexée que j'ai formalisée au lendemain de sa défaite en 2012, c'est pour dire « ça suffit » ! La main ne doit plus trembler, il faut prendre des décisions difficiles.
En ce sens, votre méthode pour ne pas plier face aux corps intermédiaires, face aux syndicats, ce sont donc les ordonnances ?
Exactement. Et c'est une divergence majeure entre Nicolas Sarkozy et moi. Lui a écrit dans son livre qu'il était totalement opposé à la méthode que je propose qui est, à l'image que ce qu'avait fait de Gaulle en 1958, de prendre immédiatement par ordonnance les quinze grandes décisions qui s'imposent. Les ordonnances permettent d'éviter les procédures législatives classiques qui durent un an et demi puisqu'elles se prennent en soixante jours. Je les prendrai dès juillet prochain sur la base d'un programme présidentiel pour lequel j'aurai été élu. Celui-ci permettra une bonne fois pour toutes de prendre des décisions qui sont attendues depuis des années et que Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont renoncé à prendre pour ne pas perdre de points dans les sondages ou pour éviter un mauvais éditorial.
Après le ralliement de Christian Jacob à Nicolas Sarkozy, vous avez écrit un tweet dans lequel vous en appeliez à Jacques Chirac parce que vous vous sentiez trahi . On a saisi le ton humoristique de ce message, mais ne trahissait-il pas néanmoins une forme d'isolement ?
D'isolement, n'exagérons rien. Mais c'est vrai qu'un certain nombre de mes soutiens sont partis chez Nicolas Sarkozy, conformément à la bonne vieille parabole biblique du plat de lentilles…
C'est-à-dire…?
Eh bien, il doit y avoir au moins 360 ministres dans le futur potentiel gouvernement de Nicolas Sarkozy tant celui-ci a fait de promesses pour les dissuader de me soutenir. Cela m'a fait bizarre de voir que certains de mes amis, avec lesquels j'ai partagé beaucoup de combats, à qui j'ai beaucoup donné, ont préféré aller à la soupe auprès de celui qu'ils critiquaient autrefois sans retenue. C'est triste, mais en même temps, une fois qu'on a dit cela, chacun a sa conception de la vie…