Hors ligneMessageTonio56 » sam. 31 août 2019 12:17
Très bel article de l'Equipe sur le meilleur buteur du championnat :)
Victor Osimhen (Losc), le buteur qui vient de loin
De la banlieue de Lagos au LOSC en passant par le Chili, l'Allemagne et la Belgique, retour sur le parcours parfois tortueux de l'actuel meilleur buteur de la L1.
D'un côté, la décharge à ciel ouvert d'Olusosun, au nord-ouest de Lagos (Nigeria), ses 10 000 tonnes de déchets qui viennent s'entasser chaque jour et sa fumée épaisse empêchant de voir à quelques mètres lorsqu'un tas d'ordures vient à s'embraser. De l'autre, le stade Sausalito de Vinã del Mar au Chili, magnifique enceinte évasée qui semble avoir été délicatement posée au bord d'une lagune, à moins de trois kilomètres de l'océan Pacifique, et fut le théâtre du quart de finale de la Coupe du monde 1962 entre le Brésil et l'Angleterre (3-1). Deux endroits qui n'ont absolument rien en commun, sauf peut-être le fait d'avoir vu grandir, à leur façon, Victor Osimhen (20 ans).
Dire que l'attaquant nigérian du LOSC vient d'un quartier difficile relève de la litote. Benjamin d'une famille de sept enfants, il est trimballé sur le dos de sa maman pendant que celle-ci court après les automobilistes pour leur vendre de l'eau en sachets. Lui-même reprendra un temps cette activité lorsqu'il sera adolescent, peut-être en souvenir d'une mère décédée alors qu'il n'a même pas dix ans, plus sûrement parce qu'il faut bien manger.
Dans ce quotidien, le foot prend une place importante. Et le voisinage de la décharge d'Olusosun va finalement se révéler une aubaine. « Il m'a raconté que, parfois, il cherchait des chaussures dans la décharge et les ramenait pour les faire raccommoder », se souvient Shira Yussuf, l'homme qui l'a repéré à quatorze ans et a convaincu l'ex-Barcelonais Emmanuel Amunike, alors sélectionneur des moins de 17 ans nigérian de faire confiance à l'actuel meilleur buteur de Ligue 1 (4 réalisations).
Osimhen évolue alors au Synergy Ultimate Strikers et dans l'équipe de l'état de Lagos. Amunike lui fait passer un test et est immédiatement convaincu. Le gamin d'Olusosun est lancé et, quelques années plus tard, il va pouvoir faire ses preuves lors de la Coupe du monde 2015 des moins de 17 ans, au Chili. Et notamment au Sausalito, où il dispute les huitièmes, quarts et la finale. À chaque fois, il marque, il termine meilleur buteur de la compétition (10 buts) et le Nigeria est champion du monde. Il devient d'un coup un prospect de tout premier plan. « Six mois avant le Mondial, je l'avais proposé à de nombreux clubs, et à l'époque ils pouvaient l'avoir pour 300 000 ou 400 000 € environ, raconte son agent Jean-Gérard Benoit Czajka. Une semaine après la Coupe du monde, mon téléphone n'arrêtait pas de sonner, tout le monde me demandait : "combien tu disais ? 300-400 000 € ?" Je répondais : "Non, maintenant vous multipliez par 10". »
C'est finalement Wolfsburg qui emporte le morceau au début de l'année 2016. « Normalement, on ne peut pas contacter des joueurs de ce genre, car il y a des clubs en Angleterre, Italie ou Espagne qui investissent plus que nous, explique Klaus Allofs, alors directeur sportif du club allemand. Mais on a essayé quand même, on lui a fait visiter Wolfsburg et les installations. Et on a pris beaucoup de temps à discuter, avec Dieter Hecking (entraîneur à l'époque). Et finalement, il a été convaincu. »
Parce qu'il ne peut pas signer avant sa majorité, il fait pendant quelques mois des allers-retours entre le Nigeria et l'Allemagne pour commencer son adaptation. Avec un succès certain. « On a beaucoup de jeunes qui arrivent et qu'on ne voit presque pas lors des premières séances car ils sont tout timides, raconte Allofs. Et lui, il était tout de suite dedans, marquant lors des petits jeux. Tout le monde le regardait... » En août 2016, il obtient même sa première sélection chez les A. Gernot Rohr est séduit par ce joueur « qui va vite, a une très bonne frappe, de la puissance, et qui est combatif » et à qui il ne trouvait à une époque qu'un petit défaut : « À l'entraînement, dès qu'il était touché, comme beaucoup de jeunes pas encore habitués aux durs contacts de la compétition des seniors, il tombait un peu trop. Donc les kinés venaient chaque fois, jusqu'à ce que je leur dise : "C'est plus la peine de venir parce qu'il va se relever !" C'était évidemment de l'humour. Mais je lui ai dit qu'il fallait qu'il s'endurcisse. Et il a très bien compris. »
Il se ressent d'une crise de paludisme lors de ses visites médicales à Zulte Waregem et au Club Bruges
La voie semble tracée, l'ascension programmée. Le problème, c'est que lorsqu'il débarque définitivement à Wolfsburg, en janvier 2017, Allofs et Hecking ont quitté le club et il n'est donc plus qu'un inconnu de dix-huit ans qui doit faire ses preuves. Il doit en outre subir une arthroscopie du genou, qui l'éloigne un temps des terrains et retarde son intégration. Puis c'est la valse des entraîneurs qui nuit à son éclosion : en quatorze mois, il doit convaincre tour à tour le Français Valérien Ismaël (jusqu'à février 2017), le Néerlandais Andries Jonker (fev.-sep. 2017), le Suisse Martin Schmidt (sept. 2017-fév. 2018) et l'Allemand Bruno Labbadia... Pas facile quand on a comme concurrents des valeurs sûres telles que Mario Gomez ou Divock Origi face à soi. En un an et demi, il ne disputera que quatorze matches de Bundesliga et ne peut évoluer en réserve car il est extra-communautaire.
À l'été 2018, Osimhen décide donc de changer d'air pour trouver du temps de jeu. Mais il n'est pas dans sa meilleure forme, entre une opération à une épaule subie au printemps et une crise de paludisme contractée lors de ses vacances au pays en juin. « Il est arrivé avec une semaine de retard à la reprise de Wolfsburg et les médecins allemands, qui ne devaient pas forcément bien connaître la maladie, ont pensé que ça pouvait être encore contagieux et l'ont laissé chez lui quasiment pendant deux semaines », se remémore Jean-Gérard Benoit Czajka. Il est donc très en retard dans sa préparation lorsqu'il passe des visites médicales infructueuses à Zulte Waregem puis au Club Bruges. Charleroi passe outre ces réserves médicales et se fait prêter l'attaquant. Bien lui en a pris : Osimhen boit la Jupiler League comme du petit-lait. « Ç'a été une grosse révélation du Championnat et, sincèrement, c'est lui qui nous a tirés vers le haut, révèle l'ex-Valenciennois Nicolas Penneteau, son gardien chez les Carolos. Il a planté à chaque match (19 buts au total) et même par son gabarit il nous a tirés vers le haut parce qu'il était très fort dos au jeu et très bon de la tête. » Suffisamment pour convaincre le LOSC de lâcher 12 M€ pour recruter le successeur de Rafael Leao, parti à l'AC Milan.
Gamin, Osimhen rêvait d'évoluer sous les couleurs d'un grand d'Espagne. Cet automne, ce n'est ni à Bernabeu ni au Camp Nou qu'il se déplacera mais à Mestalla. C'est déjà pas mal : l'enfant d'Olusosun a fait du chemin.
"Moi je suis pour le plus avec le plus ! Mais pas le plus égal le moins n'égale pas plus" - M. Seydoux
