Hors ligneMessageDageek » mer. 28 oct. 2020 09:31
ah ben tiens , une tribune aujourd hui dans le monde au sujet d'un confinement différencié
Tribune. La gestion de la crise du Covid-19 est particulièrement difficile : comme elle est inédite, les expériences passées ne peuvent aider que très partiellement à la décision publique. Il faut décider sur la base de projections imaginées par des chercheurs, dont la crédibilité se fonde davantage sur la rigueur des modèles théoriques utilisés que sur leur pertinence empirique, aujourd’hui encore non vérifiable. Toutefois, la première vague de l’épidémie ainsi que les réponses contrastées entre les pays fournissent un petit nombre de certitudes, au milieu d’un océan de questions ouvertes.
D’abord, l’opposition entre santé et économie n’a qu’un sens limité. Lors de la première
vague, l’Allemagne a eu quatre fois moins de décès par habitant. Pour autant, elle n’a pas « payé » cette performance par une plus forte chute du produit intérieur brut (PIB) que la France (– 2 % puis – 9,7 % aux premier puis deuxième trimestres pour l’Allemagne, contre – 5,9 % puis – 13,8 % pour la France). Il est donc possible d’être efficace sur les deux tableaux en protégeant la santé sans porter de sérieuses atteintes à l’activité économique.
Par ailleurs, l’impact de l’épidémie est fortement inégalitaire, notamment sur le plan
sanitaire. Certes, des facteurs de risque, souvent des comorbidités, sont associés
à un risque accru de décès chez les patients les plus jeunes. Mais les plus de 65 ans sont les plus touchés : ils représentent 92 % des décès (50 % avaient plus de 84 ans).
Confinement inégalitaire
Les entrées en service de réanimation augmentent très clairement dès 50 ans, les risques de décès à partir de 60 ans et plus encore au-delà de 64 ans. Si les différences selon l’âge sont bien plus marquées que celles entre les territoires, pourquoi ne sont-elles pas prises en compte dans la politique de couvre-feu ?
L’impact du confinement est fortement inégalitaire sur le plan économique. Les restrictions d’activité touchent en priorité les jeunes (– 4 points pour le taux d’emploi des moins de 24 ans depuis le dernier trimestre 2019, contre « seulement » – 0,4 point pour les 50-64 ans) et, parmi eux, les moins diplômés, dont les activités sont concentrées dans certains secteurs particulièrement touchés : 25 % des salariés du secteur de l’hébergement-restauration étaient au chômage partiel au deuxième trimestre 2020, secteur où l’âge moyen des salariés est de 37 ans, contre 42 ans pour l’ensemble des salariés français.
Au niveau macroéconomique, au-delà de l’impact instantané du confinement sur l’économie, nous devons aussi penser à « l’après-épidémie ». Toutes les mesures prises depuis mars sont financées à crédit et le ratio dette sur PIB va croître de plus de 25 points. Même si le taux d’intérêt est faible, et même si la Banque centrale européenne (BCE) ne demandera peut-être pas un remboursement complet, la dette à rembourser va augmenter fortement. Qui la remboursera ? Il semble évident que ce seront nécessairement les plus jeunes…
Dans un tel contexte, certaines mesures pourraient améliorer l’efficacité du plan de contrôle de l’épidémie proposé par le gouvernement. Les modèles épidémiologiques nous enseignent que le port du masque, la distanciation physique entre les individus et la réduction des regroupements endigueront la propagation du virus : suivons et appliquons ces enseignements dans nos comportements individuels.
Capacités proportionnées
Les modèles économiques indiquent de leur côté que des mesures uniformes ne sont pas adaptées à la gestion des inégalités au sein d’une société composée d’individus différents. Traiter les inégalités nées de la crise du Covid-19 nécessite des mesures ciblées. Pour réduire les distances et les contacts, sans creuser les inégalités économiques, nous proposons les mesures suivantes :
Privilégier le télétravail partout où il est possible. Cela s’est fait pendant le confinement et souvent encore plusieurs mois après. Même s’il renvoie à des conditions de travail dégradées, surtout dans certains métiers et pour certaines personnes, l’extension du télétravail contribuerait grandement à éviter un reconfinement, dont les conséquences économiques et sociales seraient bien plus dramatiques.
Mettre en place des créneaux horaires par âge pour la fréquentation des lieux publics, des commerces et des moyens de transport : les inactifs de plus de 65 ans ne pourront pas les fréquenter entre 7 heures et 10 heures, de 12 heures à 14 heures, puis de 17 heures à 20 heures. Lors du déconfinement, seuls les salariés pouvaient circuler aux heures de pointe dans les transports en commun. L’état d’urgence sanitaire doit pousser les autorités à prendre ces mesures afin de protéger sanitairement les seniors et économiquement les jeunes.
Améliorer les protocoles assurant la sécurité dans les espaces de regroupements : bars, restaurants, cinémas ou salles de spectacle. Afin d’assurer des distances minimales et la règle d’un sur deux dans les salles, les nouvelles capacités doivent être proportionnées à la taille des infrastructures considérées.
Anticiper
Par exemple, les jauges, comme celle actuellement fixée à mille personnes quel que soit le lieu, décrédibilisent ces mesures : lors du match France-Croatie au Stade de France le 8 septembre (plus de 80 000 places), les mille spectateurs étaient regroupés dans une seule tribune !
En affichant des mesures plus crédibles et en désignant clairement les populations à très fort risque, on peut anticiper que davantage de précautions à l’égard des seniors seront prises dans les décisions propres à la sphère privée, lieu principal des contaminations intergénérationnelles.
De plus, du fait de la priorité accordée au télétravail et aux créneaux horaires par âge, il sera enfin possible d’envisager qu’une place sur deux soit occupée dans les transports publics. En contrepartie de cet ensemble de mesures, il faudrait annuler le couvre-feu pour permettre à l’ensemble de l’activité économique de fonctionner, y compris le soir. Nous pouvons stopper l’évolution inquiétante de la pandémie sans pénaliser outre mesure l’activité économique, surtout si le coût de ces restrictions pèse en grande partie sur les jeunes. Il est encore temps.