Romain Lafont et Joël Domenighetti, à Camphin-en-Pévèle (Nord) pour L'ÉQUIPE a écrit :Avant de se déplacer à Montpellier (ce dimanche à 13 heures), l'entraîneur du LOSC nous a longuement expliqué les principes de jeu qui guident ses équipes. Et qui font le bonheur du LOSC depuis un an et demi.
Au tableau, Paulo Fonseca est intarissable. Pendant plus d'une heure, mercredi, quatre jours avant le match de Lille à Montpellier, l'entraîneur nous a expliqué les principes qui guident ses équipes. Avec un maître-mot, toujours : « Nous voulons dominer. Et pour ça, nous devons avoir la balle. Même quand je dirigeais de plus petites équipes, nous préparions les matches avec les mêmes idées. C'est la nature du jeu que je souhaite, ma passion. Je ne joue pas uniquement pour le résultat. Je veux que mes équipes soient attractives, courageuses. J'adorerais que les gens qui connaissent le foot puissent dire "Ah, c'est une équipe de Paulo Fonseca". » Une équipe qui a l'amour du risque, avec des relances presque toujours courtes, presque toujours l'obligation de jouer sous pression : « Parfois, selon les circonstances du match, nous décidons de ne plus risquer. Mais ça me rend fou. » Il est surtout fou de jeu et nous, on s'est régalés à l'écouter.
« Avec le 4-2-3-1, je peux clairement mettre en oeuvre mes idées. J'ai la possibilité de tout faire. Mais le plus important, c'est la dynamique du système. Nous avons différentes structures sur le terrain que nous divisons en trois zones. Sur la 3e (proche de la surface adverse), on ne change pas beaucoup. Dans la deuxième (milieu), on change. On peut construire avec trois, quatre, cinq joueurs. Avec trois et un latéral droit bloqué, avec un milieu en plus... La structure n'est pas le plus important. Sauf si elle change vos intentions. Avec l'AS Rome (2019-2021), en fin de première saison, j'étais passé en 3-4-3 en raison des caractéristiques de mes joueurs. Cela a fonctionné, nous avons fini avec 70 points (5e). Mais je n'ai pas vu sur le terrain mon équipe, celle qui est désireuse de dominer les matches. En 3-4-3, c'était beaucoup plus difficile, voire impossible, de presser et récupérer aussi haut le ballon. »
« L'idée principale, c'est de récupérer le ballon le plus près du but adverse. Le gagner quand les adversaires sont le plus désorganisés, qu'ils construisent avec le moins possible de joueurs derrière le ballon. Et de défendre loin de notre but. Cela dépend de l'adversaire. En première ligne, il y a d'abord souvent l'avant-centre associé à un ailier. On garde cet ailier, plus les milieux qui montent. Et ce sont alors les latéraux qui pressent leurs latéraux. En un contre un. Nous pouvons aussi utiliser le 9 et le 10 pour presser dans un 4-4-2. Au milieu, c'est presque de l'individuel.
Mais ce que j'ai appris ces dernières années, c'est que même si vous avez la structure parfaite pour presser, tout dépend des situations individuelles. Regardez là (il montre son ailier droit), nous sommes tous parfaitement placés mais lui se fait dribbler facilement, le pressing est fini, on doit se replier. Certains joueurs ont plus de difficultés à presser que d'autres. Pour ceux-là, plutôt que d'essayer de piquer le ballon, il ne faut pas se laisser passer. S'il ne se fait pas passer, on peut continuer le pressing. Pour cela, vous devez apprendre aux joueurs comment ils doivent courir. La distance à garder par rapport à l'adversaire, comment utiliser leurs pieds, leurs bras, l'intention parfois de faire faute... »
« La question que l'on doit se poser, c'est : comment voulons-nous presser ? Veut-on être plus efficaces dans les couloirs ou dans l'axe ? Parce que cela peut changer. Imaginez : nous avons trois joueurs ici au milieu et nous savons que notre adversaire est plus dangereux dans les couloirs. On peut décider d'inviter le pressing à l'intérieur pour éviter que la balle arrive là (il montre les couloirs). Parfois, on invite par le pressing à aller dans telle ou telle direction. Par exemple, vers un central droitier jouant axe gauche et qui a des difficultés sous pression...
Une chose importante que peut-être certains ne repèrent pas : le gardien adverse. Rien que de savoir si la relance se fait du gardien vers le central ou du central vers le gardien... Les caractéristiques de nos joueurs peuvent aussi entrer en compte. En premier rideau, pourquoi l'ailier droit plutôt que l'ailier gauche ? Probablement à cause de nos latéraux. Tiago (Santos) est plus rapide qu'"Isma" (Ismaily) et ira plus vite faire le saut vers le latéral adverse.
L'an passé, nous étions trop obsédés par le pressing haut car certains joueurs ne savaient pas défendre en bloc médian. J'aime être agressif tout le temps. Mais cette saison, nous avons réussi une amélioration : nous savons presser haut mais aussi en bloc médian. Dans certains matches, le pressing en attaque(première zone) ne sera pas si agressif. Presser médian pour avoir 30 mètres derrière. Contre les gros, qui arrivent à se sortir du pressing par leur qualité. Mais aussi contre des équipes plus modestes. Cette fois, pour gagner de l'espace, les faire sortir de leurs 30 mètres. On attendait. Elles commençaient à jouer, à avancer, leurs latéraux commençaient à monter... Et elles se mettaient en danger. Souvent, ce type d'équipe n'est pas à l'aise avec le ballon. »
« Avec ballon, les joueurs doivent prendre des décisions rapides selon qu'ils sont sous pression ou non. Les défenseurs centraux doivent attirer et, s'ils ne sont pas sous pression, provoquer, avancer entre les lignes. Quand ils sont sous pression, le soutien doit arriver. C'est une question d'état d'esprit. Ils doivent savoir quoi faire selon les circonstances.
La relation entre le défenseur central et le milieu est importante. Le corps doit être positionné correctement pour faire une bonne réception et pouvoir orienter le jeu. Je suis tout le temps en train d'embêter les milieux sur ça. Un échauffement avec passes, c'est aussi comment positionner son corps, la façon de courir, s'ouvrir vers l'adversaire, regarder le jeu en permanence tête levée, devant, sur les côtés. Si j'ai mon corps fermé, je ne vois pas et ma réception est restreinte. C'est du comportement individuel.
C'est peut-être pour ça que c'est avec les milieux que je suis le plus exigeant. Après, certains, comme André Gomes (en prêt à Lille la saison dernière), dont l'orientation de corps n'était pas toujours parfaite, ou Nabil (Bentaleb) parviennent seuls à se détacher du pressing en se retournant sur eux-mêmes. Si vous avez cela, vous gagnez du temps. Et gagner même une fraction de seconde est important dans le foot moderne. »
« Les attaquants doivent respecter notre structure. Mais quand ils arrivent dans la surface adverse, la décision leur appartient. Je crois beaucoup à la codification de notre jeu. Mais je ne peux pas codifier les dribbles d'Edon (Zhegrova). Je dois promouvoir le risque, les compétences. La décision lui revient. Ce que je dois lui apprendre, c'est si les conditions sont réunies ou pas. Aujourd'hui, il identifie mieux les situations favorables. C'est comme le buteur. Il doit être intelligent dans ses déplacements pour être complémentaire avec Edon. Je ne lui dis pas d'aller systématiquement au premier poteau quand Ismaily déborde. Il doit se fier à son intuition. Les joueurs sont libres dans la surface adverse. »
Attaché à son sacro-saint 4-2-3-1, Paulo Fonseca a pourtant fait une exception en mai, contre l'OM d'Igor Tudor (2-1). En phase défensive, un 4-4-2 losange avec pour but de « construire un mur sur les côtés ». Et à la construction, un système totalement différent. Pourquoi ? « C'était la seule (équipe) de L1 à faire du marquage individuel sur tout le terrain, raconte-t-il. Contre les autres équipes, vous avez de l'espace ou vous cherchez à vous en procurer entre les lignes. Contre cet OM, vous n'en avez pas, vos adversaires sont là où sont vos joueurs. Comment les désorganiser ? En trouvant l'homme libre avec la balle. Si c'est le cas, alors un adversaire est obligé de lâcher son marquage pour aller sur cet homme libre, et ainsi de suite. Où avions-nous un avantage ? Dans la zone de notre gardien, où nous avons créé un 5 contre 4. Les autres joueurs, je les ai mis là (à droite sur l'image ci-dessous). Car je voulais ces joueurs loin de l'endroit où nous avions la supériorité. »
L'idée ? Créer un vide dans lequel un joueur parvenant à se démarquer pouvait s'engouffrer : « Bien sûr, nous devions évoluer dans le bon timing. Mais quand "Bafo" ou Leny (Diakité et Yoro, les centraux) pouvaient avancer avec la balle, nous pouvions désorganiser l'autre équipe, puisque l'un de leurs joueurs (au marquage sur un offensif lillois) devait prendre la décision de quitter le marquage pour aller sur le porteur. Cela libérait un offensif et là, nous pouvions attaquer. » Ce fut notamment le cas à la 22e minute où une action partie d'une relance courte de Lucas Chevalier a fini vingt secondes plus tard avec Jonathan David tentant sa chance (contré) aux abords de la surface adverse.
Les Lillois sont néanmoins arrivés menés à la pause et sans se montrer dangereux. Fonseca : « On trouvait l'homme libre pour attaquer mais après, ils prenaient le dessus dans les duels. » Mais ses joueurs ont fini par prendre le dessus, notamment en épuisant leur adversaire : « Ce genre d'équipe n'aime pas courir après le ballon. Donc l'important était de le conserver, ne serait-ce que pour mettre en stress l'adversaire. Car dans ces conditions, leur capacité à presser décline et ils commencent à arriver en retard. » R. Laf.