Bondues ISF et Gilets jaunes… Incompatible ? Pas tant que ça
Jeudi matin pluvieux sur le petit marché de la place bonduoise de l’Abbé Bonpain. Ça discute assez peu devant les étals d’huîtres ou de fruits et légumes. Il n’y a pas foule. Et pas de jaune non plus : ici, aucune manifestation de gilets n’a pointé le bout de son nez (lire par ailleurs). Ici, le niveau de vie médian était en 2015, selon l’Insee, de 32 164 € (25 820 € à Marcq-en-Barœul, 18 102 € à Lille). Malgré tout, et à l’encontre du cliché, le soutien est quasi-total. « Je comprends ce mouvement. Je comprends cette révolte. » Jean, la soixantaine, n’hésite pas une seconde quand la question de son soutien aux Gilets jaunes est posée. Pourtant, question pouvoir d’achat et fins de mois, il n’est pas à plaindre. « Ma femme et moi sommes «légèrement» privilégiés, et le «légèrement» est sans doute de trop. » Son épouse est médecin, lui tenait une grosse boîte de transport.
« Il devrait rétablir l’ISF »
Il clarifie d’emblée ses idées : « Je suis un homme de droite, je n’ai pas voté Macron. Il nous a dit que le pouvoir d’achat allait augmenter. C’est faux. On est dans la merde. On a battu un record d’impôts… » Ce n’est pas pour lui qu’il parle, en l’occurrence, plutôt pour ses concitoyens. Lui, a eu l’impôt sur la fortune (ISF) en moins. « Mais je suis contre cette suppression. Macron pensait que les exilés fiscaux allaient rentrer, mais non. C’est au niveau de l’Europe qu’il faut agir. » Un conseil à celui qu’il appelle « Macron » ? « Le terme moratoire est à la mode… alors il devrait rétablir l’ISF, au moins sous forme de moratoire pendant un an… »
« Ils veulent prendre le pouvoir, c’est inquiétant »
« Les revendications sont logiques. » Francis, lui aussi Bonduois, n’est pas étonné que ça ait fini par exploser, même s’il regarde tout ça, comme Jean, de l’œil de celui qui n’a pas de soucis à se faire pour les fins de mois. « Depuis trop longtemps les gens sont en marge. Les gouvernements successifs n’ont rien entendu. Ça devait arriver un jour, malheureusement. » Il avoue sa tristesse de voir le pays en arriver là. « Ces dégradations, c’est insupportable… Si c’est l’unique moyen de se faire entendre en France, ça fait peur… » Même tristesse de voir ces violences envahir le mouvement pour Colette, la cinquantaine. Elle, est de Wasquehal, côté aisé de la ville -et contre le rétablissement de l’ISF. « Mais au début, je donnais raison aux Gilets jaunes. Je comprends ce ras-le-bol des taxes. Cependant, c’est devenu trop violent et trop politisé. Malgré le pas en avant du gouvernement, ils continuent. Là, ils veulent prendre le pouvoir, c’est inquiétant. »
Prendre le pouvoir. Exactement ce que voudrait Catherine, Bonduoise atypique de 60 ans. « Pour l’instant, les Gilets jaunes, c’est de la pure utopie, je m’en fous… À moins que ça ne vire comme en mai 68 et qu’ils mettent un grand coup dans le cocotier ! » Elle imagine des solutions : qu’Emmanuel Macron fasse comme le général de Gaulle en 68 (la démission), et qu’on mette en place un « comité présidentiel avec des représentants de chaque parti modéré et surtout des gens qui vivent la vraie vie. Qu’on arrête de nous dire que l’Ena, c’est la vraie vie. »